On n’y fait pas attention au début. L’hiver, il fait nuit et froid dehors les samedi et dimanche vers 18h00 sur le parvis de l’Église Notre-Dame-des-Sablons. Une fois dedans, il faut quelques minutes pour se dépouiller du monde extérieur et essayer d’être prêt, prêt à recevoir Dieu sait quoi, Dieu sait comment.

C’est là qu’elle nous happe et arrive par surprise – au moins la première fois – en délaissant l’anonymat que lui prêtent un banc sur le côté, un recoin dans l’ombre. Elle rentre dans le champ, comme d’autres rentrent dans le rang : sans bruit. 

Sans bruit, mais pas sans éclat. À commencer par celui du timbre de cette voix qui suffirait à faire revenir sur sa décision une Grâce qui aurait décidé de nous fuir. Car si c’est avec une simplicité de bon aloi qu’elle met son talent et son élégance à la portée des fidèles, il ne faut pas s’y tromper : Aveline Monnoyer est une très grande chanteuse. 

Après s’être essayée aux arts plastiques à Saint Luc puis à l’École de Recherche Graphique à Bruxelles, la mezzo-soprano belge suit un parcours des plus classiques :Conservatoire Royal de Musique de Bruxelles, Conservatoire Supérieur de Maastricht, Musikakademie SchlossWeikersheim en Allemagne… La liste est longue des Maîtres prestigieux auprès desquels elle perfectionne une technique mise au service d’une sensibilité singulière, sobre et profonde. 

Lauréate de plusieurs concours à travers l’Europe, elle entame alors une carrière internationale et enchaîne les rôles phares : de la Rosine du Barbier de Séville à Orfeo, en passant par le Pierrot Lunaire de Schönberg, elle s’affirme comme une valeur sûre au répertoire varié, passant avec aisance de l’opéra à la musique sacrée, du Lied à la musique contemporaine.  

Car – on s’en serait douté à voir l’espièglerie de son sourire – l’artiste est éprise de liberté, et elle s’aventure allègrement hors des sentiers battus, en apôtre inspirée de la musique vivante, sur le terrain de la création contemporaine, et c’est un bonheur de la voir revisiter des œuvres baroques au sein de l’ensemble baroque-électro «Le Jardin» (auquel participent également la violoniste Céline Bodson, le ténor Jean Fürst, et l’électro-acousticien Thomas Turine), sélectionné par les Jeunesses Musicales 2023-2025.

Protagoniste essentielle de la tournée triomphale au Maroc avec l’Orchestre Philarmonique national en décembre dernier, s’étant également récemment illustrée dans une interprétation remarquée du magnifique Requiem de Verdi aux Beaux-Arts de Bruxelles, ce pilier de l’effectif des solistes de l’Église Notre-Dame des Victoires nourrit bien des projets encore. 

Mais en attendant, ici où là, de parvis austères en excès de lumière, Aveline Monnoyer saura nous faire partager ces horizons qu’elle parcoure avec la légèreté nécessaire pour nous faire monter à bord, et nous inviter à la suivre dans des ballades musicales où il fait toujours jour.

Aveline Monnoyer dans le Requiem de Mozart à Bozar le 15 juin 2024 à Bruxelles