Sanctions européennes : des drones de papier face aux réalités économiques et stratégiques

Alors que l’Union européenne s’apprête à adopter un quinzième train de sanctions contre la Russie le 16 décembre 2024, une analyse approfondie de l’efficacité de ces mesures et de leurs répercussions sur les économies concernées s’impose.

Résilience de l’économie russe face aux sanctions occidentales

Malgré les assauts des sanctions occidentales, l’économie russe fait preuve d’une résilience remarquable. Après une contraction de 1,2 % en 2022, le PIB russe a rebondi avec une croissance notable de 3,6 % en 2023. Cette reprise résulte principalement d’une hausse sans précédent des dépenses militaires, lesquelles représenteront environ 30 % des dépenses fédérales et 6 % du PIB en 2024, une situation inédite dans l’histoire moderne de la Russie. En outre, la réorientation des exportations énergétiques vers les marchés asiatiques, notamment ceux de la Chine et de l’Inde, renforce cette résilience économique.

Les États-Unis, grands gagnants des sanctions énergétiques

Les sanctions ont contraint l’Europe à accroître ses importations de gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance des États-Unis. En 2023, les États-Unis ont consolidé leur position de premier exportateur mondial, représentant 21,1 % du GNL mondial. Cette dépendance accrue a considérablement profité aux producteurs américains, lesquels ont pu pratiquer des prix élevés, notamment après la destruction des infrastructures de transport de gaz en provenance de Russie.

Un fardeau économique pour l’Europe

Les répercussions économiques des sanctions pèsent lourdement sur l’Europe. Bien que l’inflation dans la zone euro ait ralenti pour atteindre 1,7 % en septembre 2024, les effets sur les économies nationales sont sévères. L’Allemagne, première économie européenne, s’oriente vers une récession avec une contraction prévue de 0,2 % du PIB en 2024. Les secteurs industriels allemands, en particulier, subissent des pertes conséquentes, tandis que la dépendance accrue aux importations de blé et d’énergie fragilise davantage les équilibres économiques du continent.

Sanctions pétrolières et contournements par des réseaux parallèles

Malgré le plafonnement du prix du baril à 60 dollars, la Russie parvient, à l’instar de l’Iran, à exporter son pétrole grâce aux 600 navires de sa “flotte fantôme” et à des méthodes de transbordement impliquant des pays tiers. Par exemple, le Kazakhstan joue un rôle crucial en réexportant du pétrole russe une fois celui-ci raffiné sous son propre pavillon. Ce pays prévoit d’accroître ses exportations de pétrole brut via l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC), qui pourraient passer de 1,5 à 20 millions de tonnes métriques par an d’ici 2025.

Émergence de nouveaux acteurs illégaux

Les sanctions ont favorisé l’apparition de nouveaux acteurs illégaux dans le commerce des hydrocarbures. Des organisations criminelles telles que “Coral Energy”, basées à Genève et Dubaï, ont été mises en cause pour des pratiques de contournement des sanctions. Par ailleurs, des groupes terroristes comme les Houthis au Yémen ou Al-Nosra profitent des perturbations du commerce maritime pour financer leurs activités illicites. Les nouveaux maîtres de Damas, Hayat Tahrir al-Sham (HTS), ajoutent un facteur d’instabilité supplémentaire sans craindre les sanctions européennes.

Face à ces menaces, le G7 réaffirme sa détermination à contrer les violations du plafonnement des prix du pétrole et à lutter contre l’utilisation des flottes fantômes par la Russie.

Un impact disproportionné sur les entreprises européennes

Les entreprises européennes du secteur des hydrocarbures, soumises à des réglementations strictes, subissent de plein fouet les effets des sanctions. Dès fin 2022, l’Union européenne avait réduit de 90 % ses approvisionnements en pétrole russe par rapport à la moyenne mensuelle des trois années précédentes, bouleversant profondément les dynamiques du marché énergétique.

Par ailleurs, des erreurs dans les rapports, telles que celles de la Lloyd’s, mettent en péril le principe fondamental d’égalité devant la loi (article 20 de la Charte des droits fondamentaux). Un exemple flagrant est l’attribution erronée des navires LIVNA à un homme d’affaires genevois, alors qu’il les avait vendus dès 2018. Ces inexactitudes menacent d’imposer des sanctions injustifiées à des individus innocents et leurs familles.

Le quinzième train de sanctions : un ultime baroud d’honneur avant le glas de Kiev ?

À l’approche de ce quinzième train de sanctions, il est impératif de s’interroger sur leur efficacité réelle. Ces mesures, loin d’affaiblir durablement la machine de guerre russe, semblent avoir des conséquences imprévues et souvent périlleuses : elles enrichissent les États-Unis tout en appauvrissant l’Europe, elles alimentent les réseaux mafieux et terroristes, et elles pénalisent injustement des acteurs légitimes du commerce international sur la base d’erreurs matérielles.

Dans ce contexte, il devient crucial de réévaluer la stratégie des sanctions. L’Union européenne doit envisager des approches alternatives qui soient plus aptes à atteindre les objectifs politiques visés, tout en réduisant les dommages collatéraux pour l’économie européenne et les acteurs honnêtes du commerce mondial.

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